Faire plus avec moins

Moisson Montréal est aujourd’hui capable de fournir 40% de nourriture de plus avec 60% de bénévoles en moins

La pandémie a eu un impact énorme dans toutes les entreprises du monde. Chez Moisson Montréal, où le modèle de production quotidienne s’appuyait sur la collaboration de 85 bénévoles, il a fallu réduire à 33 le nombre de personnes sur les plateaux de travail afin de respecter la distanciation physique. Malgré cette diminution de main d’œuvre, en décembre 2020, Moisson Montréal a réussi à distribuer 43% de denrées de plus qu’en décembre 2019, soit 460 000 kg de plus de nourriture pour une valeur de 2,7M$ de dollars.

Améliorer le processus de reconditionnement des denrées

« L’équipe a réussi ce tour de force car nous avons modifié l’organisation du travail, établi des standards et donné une formation directement sur les lignes de tri de nourriture », explique André Bossé, directeur des opérations. Le défi était d’autant plus grand qu’à cette période de l’année, Moisson Montréal doit confectionner 20 000 Paniers des Fêtes en plus de ses opérations régulières.

Les plateaux de travail avec convoyeur servent à trier les denrées sèches et les produits non comestibles qui arrivent en vrac dans des grands bacs ou sur palettes, et à les reconditionner dans de plus petits formats par catégorie afin de réduire le gaspillage  : produits alimentaires et breuvages, produits pour bébés, produits hygiéniques, produits pour animaux, médicaments et vitamines, etc.

L’épreuve des faits d’un Kata Lab

« Pour parvenir à améliorer la productivité des lignes de tri, nous avons pratiqué un exercice issu du Toyota Kata appelé le Kata Lab, avec les consultants de Bell Nordic, une société qui nous aide de façon Pro bono à faire nos transformations organisationnelles. Durant deux jours, nous avons fait de l’amélioration continue en expérimentant un vrai processus sur un plateau de travail », explique André Bossé.

Habituellement, pour changer un processus, on demande à un ingénieur industriel de faire des observations et des études, pour ensuite proposer des solutions qui sont implantées sans jamais avoir la rétroaction des employés concernés, ni leur compréhension du travail à faire. Durant le Kata Lab, les bénévoles modifiaient leurs pratiques en temps réel, les implantaient et les testaient directement pour une période de 45 minutes qui était précédée d’une séance de Coaching Kata de 15 minutes, si bien qu’il se produisait une amélioration toutes les heures.

Fabriquer 20 000 Paniers des Fêtes avec 60% de bénévoles en moins

En octobre 2020, l’équipe des opérations faisait face à un nouveau défi : comment fournir la même quantité de Paniers des Fêtes qu’en 2019, mais avec moitié moins de bénévoles ? Ce défi est donc devenu le sujet du Kata Lab. « À partir du nombre total de paniers à fournir en 20 jours, nous avons établi le nombre de paniers à faire par jour et à quel rythme, ce qui a permis de calculer combien de postes de travail étaient nécessaires et comment les personnes devaient travailler pour y parvenir », raconte Jean-Marc Legentil, consultant chez Bell Nordic.

Durant les deux journées du Kata Lab, les bénévoles et les consultants de Bell Nordic ont bâti un nouveau manuel de formation qui permet d’expliquer plus clairement et rapidement les tâches de chacun et les règles à respecter. L’objectif est d’éviter les erreurs et les pertes de temps, tout en travaillant de façon sécuritaire.

Ralentir pour être plus efficace

Chez Moisson Montréal, les bénévoles sont très motivés. Lorsqu’ils viennent dans le cadre d’un exercice de consolidation d’équipe, il leur arrive de faire des concours de vitesse et d’aller un peu trop vite. Avant, les bénévoles en poste au début de la ligne remettaient des denrées dès qu’ils voyaient une petite place sur le convoyeur. Si bien qu’il se produisait une sorte d’engorgement et les bénévoles placés au centre de la ligne n’avaient pas le temps de déposer les items dans les boites. Finalement, plusieurs boites incomplètes arrivaient au bout du convoyeur et il fallait deux bénévoles pour les ramener au début de la ligne. Ceci sans compter le fait que dans la précipitation, les bénévoles jetaient les emballages vides par terre le long du convoyeur et il y avait constamment quelqu’un qui était occupé à les ramasser.

« Grâce au Kata Lab, nous avons implanté une nouvelle règle de décision : désormais lorsqu’il y a quatre boites sur la ligne, il ne faut pas en mettre une cinquième. La vitesse est constante et il n’y plus de boites incomplètes qui arrivent au bout du convoyeur. Nous avons donc pu éliminer un des deux postes qui nourrissaient la ligne au début ainsi que les deux personnes qui étaient occupées à ramener les boites incomplètes au début de la ligne », explique André Bossé.

Faire sa part en temps de pandémie

Le Kata Lab a optimisé le processus de tri de denrées, mais il a surtout permis de diminuer les risques d’éclosion car 50 bénévoles de moins par jour représentent 1000 personnes de moins qui franchissent la porte de Moisson Montréal chaque mois.

« Depuis plusieurs années, nous avons développé un mode de gestion très agile pour réagir à des événements qui peuvent survenir comme une pandémie ou l’augmentation soudaine du niveau de pauvreté de la population. Notre culture interne de transformation organisationnelle vient de nous permettre de faire un grand changement dans notre modèle d’affaire tout en augmentant notre efficacité et en réduisant d’autant les risques de propagation du virus à l’interne: notre main d’œuvre bénévole est passée de 85 à 33 personnes par jour », annonce Richard D. Daneau, directeur général de Moisson Montréal.